Les 400 virages de la route de Cilaos se succèdent. La nuit a jeté son
noir manteau sur les remparts ciselés de la Caldeira du Piton des Neiges.
Ce soir, je dois paraître solide, sûr, robuste et masquer mon inquiétude.
Ce soir je réalise que le besoin de partage a étouffé la raison.
Ce soir, cette nuit, demain, un moment d’inattention, un seul, peut avoir des conséquences dramatiques.
22h00, nous arrivons au Bloc,
altitude 1400 m: départ du sentier qui monte au Piton des Neiges, sommet de l’Océan
Indien : 3070m.
Thimothée est là, assis, à l’avant du véhicule familial son regard pétillant
surplombe un sourire apaisant.
Thimothée à 10 ans et demi (il ne faut pas oublier le ½ !), il est atteint d’amyotrophie spinale, ses muscles ne se contractent pas sauf ceux de son visage qui expriment la force d’un torrent et la paix d’un lac de montagne.
Thimothée à 10 ans et demi (il ne faut pas oublier le ½ !), il est atteint d’amyotrophie spinale, ses muscles ne se contractent pas sauf ceux de son visage qui expriment la force d’un torrent et la paix d’un lac de montagne.
Je lui ai promis de l’emmener voir le lever du jour au sommet du Piton des
Neiges et ce soir, j’honore ma promesse.
Pour l’occasion, j’ai bricolé un sac à dos (Quechua 37L) pour pouvoir
le transporter avec son corset. Après plusieurs essais, nous avons trouvé le bon compromis.
Au fil de nos sorties, j’ai pris conscience de
sa fragilité, j’avais sur le dos le corps endormi d’un p’tit bonhomme d’une
extrême sensibilité, subissant les douleurs sans pouvoir agir. Cette responsabilité est sans pareil et
la confiance aveugle d’un enfant est
sans doute la plus écrasante des responsabilités.
Pourquoi prendre un tel risque ?
Je me suis souvent posé la question cherchant
à me raisonner mais le regard de Timothée à chaque fois me répondait en
pénétrant mon cœur d’artichaut.
Alors nous sommes là, au pied du
Piton des Neiges, Timothée, Sébastien
son papa, Ombeline, mes potes au grand cœur venus nous assister.
En installant Timothée dans le sac j’observe avec attention son cou si fragile qui porte sa tête bien remplie.
« Toujours souple, fluide, onctueux et maître de la situation » j’ancre cette phrase pour stimuler mes réflexes, je la ressasse encore et encore.
En installant Timothée dans le sac j’observe avec attention son cou si fragile qui porte sa tête bien remplie.
« Toujours souple, fluide, onctueux et maître de la situation » j’ancre cette phrase pour stimuler mes réflexes, je la ressasse encore et encore.
Après la pesée (109 kg), nous traversons la forêt de cryptomérias sous
les bravos, devançant les frontales de
nos sherpas transportant tout ce qu’il faut pour protéger Timothée du froid.
Spécial Dédicace à Décathlon Réunion pour avoir équiper Timothée pour des conditions extrêmes pour lui. Le froid est notre ennemi n°1, s’il s’empare de Timothée, la situation peut vite dégénérer.
Notre premier arrêt est prévu à Matarum, où un abri nous permettra de soulager Timothée d’une position inhabituelle en l’allongeant un peu.
Spécial Dédicace à Décathlon Réunion pour avoir équiper Timothée pour des conditions extrêmes pour lui. Le froid est notre ennemi n°1, s’il s’empare de Timothée, la situation peut vite dégénérer.
Notre premier arrêt est prévu à Matarum, où un abri nous permettra de soulager Timothée d’une position inhabituelle en l’allongeant un peu.
J’élève le rythme pour garder de la vélocité, il faut que je passe «
à l’énergie » les enchaînements de hautes marches pour garder de la
stabilité, ma hantise est de manquer de puissance et d’être emporter en
arrière. Mon cœur est au max, je ventile avec force sous les bretelles du sac
qui compriment ma cage thoracique. En
1h20 les 600m de D+ sont avalés, je suis confiant.
L’équipe est au top, chacun se charge d’un rôle pour que Timothée soit à son aise. Mes potes sont fantastiques. Merci.
L’équipe est au top, chacun se charge d’un rôle pour que Timothée soit à son aise. Mes potes sont fantastiques. Merci.
Nous voilà reparti pour le Gîte de la Caverne Dufour Alt. 2470m, notre
prochaine étape. Ombeline ne cesse de m’encourager, le vent s’est levé, le
froid est saisissant, j’attrape les chevilles de Timothée pour estimer sa
température corporelle.
Je suis au taquet, la pluie s’est invitée, je veux arriver le plus vite possible au gîte pour mettre Timothée au chaud.
Nous entrons dans le gîte et pendant que Sébastien chouchoute son fils, Thibaut détend mes chaînes musculaires contractées. Quand je vous dis que mes potes sont formidables!
Je suis au taquet, la pluie s’est invitée, je veux arriver le plus vite possible au gîte pour mettre Timothée au chaud.
Nous entrons dans le gîte et pendant que Sébastien chouchoute son fils, Thibaut détend mes chaînes musculaires contractées. Quand je vous dis que mes potes sont formidables!
Une autre équipe est venue de Mare à Boue. Les conditions difficiles, dignes de saumons qui remontent un
torrent, obligent Antoine, la mort dans l’âme, à renoncer à la dernière partie de l’ascension. Jean-Alain, conscient de l’état
de fatigue d’Antoine se refuse à le laisser repartir seul et repart avec lui. Quand
je vous dis que mes potes sont formidables!
Après un p’tit dodo d’un quart d’heure, nous repartons pour le
sommet.
La pluie s’est installée, le basalte ciselé fatigue mes chevilles.
Je
commence à manquer d’énergie et comme si Timothée ressentait parfaitement mon
état physique, à chaque fois que les murs de roches noires me semblaient infranchissables, sa petite voix frissonnait dans mes oreilles « allez Pascal ».
La pluie s’est installée, le basalte ciselé fatigue mes chevilles.
A 2800 m d’altitude, les étoiles réapparaissent, nous sommes dans le
ciel, au dessus des nuages, flottant dans l’ivresse de l’altitude nous rejoignons
le sommet en courant, défiant la
fatigue, l’altitude et dévorant à grandes enjambées le bonheur de notre rêve réalisé.
Dans le froid, la fourmilière de mes potes s’affaire pour préparer le
nid de Timothée.
Le soleil teinte le ciel et la magie opère.
Timothée est blotti dans les bras de Sébastien. Quand je vous dis que la vie est formidable.
Le soleil teinte le ciel et la magie opère.
Timothée est blotti dans les bras de Sébastien. Quand je vous dis que la vie est formidable.
Ombeline se serre contre moi, elle me répète sans cesse « c’est
super ce que tu fais ». C’est super
ce que tu fais toi-même !! Quand je vous dis que ma Femme est formidable !
Le spectacle peut commencer, le ciel peut s’enflammer. Le bonheur est
palpable. Une lumière chaude borde la mer de nuages. Le silence célèbre la grâce
de cette nouvelle naissance.
Puis tout s’emballe inexorablement, la lumière avale la pénombre devant nos yeux ébahis.
Puis tout s’emballe inexorablement, la lumière avale la pénombre devant nos yeux ébahis.
Je regarde Timothée qui sourit dans son duvet et reste admiratif. Il a dix ans, il vient de passer une nuit blanche sous la pluie et le froid, jamais il ne s’est plaint, jamais il ne s’est lassé malgré ses douleurs.
Mon fils Jérôme est là avec nous, offrant sa bienveillance dans la discrétion d’un sentiment comme il le fait toujours, sans s’imposer. Jérôme était taillé dans le même regard que Timothée, de ces regards qui ne laissent paraître que le bon, pour l’amour des autres.
La mer de nuages devient tempête et happe le Piton des Neiges en
quelques minutes, il faut faire vite pour remettre Timothée dans le sac, mobilisation
générale !
Nous commençons à redescendre dans cet épais nuage, il ne faut pas traîner, dans mon dos j’entends les bronches de Timothée qui se chargent dans
une toux sans force.
La descente est technique. Je ne
peux pas utiliser mes mains pour passer les reliefs. Il faut que je tienne les
jambes de Timothée pour ne pas qu’elles touchent les roches ou qu’elles ne
viennent se coincer derrière mes genoux.
A l’approche du gîte le soleil réapparaît, l’angoisse s’efface du
visage de Sébastien.
Un p’tit dej plus tard, la caravane de Timothée serpente à nouveau sur le chemin du bonheur dominant le charme de Cilaos.
Tout le monde respire la bonne humeur, l’ambiance est joyeuse, le soleil est radieux. A la demande d’Ombeline, Timothée met fin à ma naissante carrière de chanteur dans un « Ta gueule » amical. Ce gamin est fou !!!
La pause est courte à Matarum. Le temps de déguster le bruit de l’eau de source
sous les Cryptomerias, et reposer mes
épaules et mes quadriceps très sollicités.
Nous arrivons, accueillis par Christelle, la
maman, et la petite sœur de Timothée. Sébastien
et Timothée versent une larme ou quelques
unes...
Merci Timothée.
Merci Madame la Vie de nous offrir de tels moments de Bonheur.
Merci Madame la Vie de nous offrir de tels moments de Bonheur.
Merci et
Merci.
Merci mon Jéjé passe-partout de nous avoir accompagné.
4 commentaires:
bravo à vous que je ne connais pas ... mais je suis allée au Piton des neiges et je sais ce que c'est, même sans sac à dos. Encore bravo !
Merci !!!
Simplement merci de nous faire vivre ça, a moi simple lecteur, à vos amis, à tim' ... à ses parents.
MERCI MONSIEUR BLANC
nous aussi on l'à fait, sur un périple de 10 jours (Cilaos,Mafate et Salazie) mais pas dans ces conditions alors chapeau bas Monsieur, il se mérite ce piton c'est vrai, mais ce que vous avez fait est génial, encore bravo.
J'ai reçu le lien via mon cousin Patrick de HTmoi. Quelle belle initiative, et quel magnifique reportage! Un grand respect à vous, une telle humilité et pourtant une si grande aventure humaine empreinte d'efforts! Les yeux de Timothée en disent long! Cela amène à réfléchir sur pas mal de petites choses quotidiennes de la vie dont on se plaint.....! Merci de nous faire partager ces beaux moments! BRAVO à vous et respect.
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